Quand c’est si bien écrit, on préfère laisser la parole aux spécialistes.

Ainsi, je vous présente ci-dessous un extrait du tout nouveau rapport d’Amiral Gestion :


http://www.amiralgestion.fr/PDF/SEXTANT_PO/Rapport-de-gestion-sextant-peak-oil.pdf

« Le prix du baril a à nouveau progressé ce trimestre, s’installant au-dessus des 80$, alors que la reprise économique fait apparaître de manière de plus en plus criante les contraintes structurelles pesant sur l’offre. L’appétit de pétrole toujours plus grand en provenance d’Asie – les ventes de véhicules en Chine ont encore progressé de 72% au premier trimestre à 4,61 millions d’unités – est tel que selon les derniers chiffres de l’AIE, la demande mondiale de pétrole pourrait remonter dès 2010 sur son niveau record de 2007 ! Pour le reste du monde, l’impitoyable dynamisme asiatique est une source d’inquiétude car les perspectives de production indiquent qu’une partie importante de la demande va devoir être rationnée. Les Chinois, plus conscients de ce problème d’approvisionnement que quiconque, sécurisent des réserves pétrolières partout dans le monde, et viennent d’annoncer le rachat de 9% du capital de Syncrude, le plus gros producteur dans les sables bitumineux canadiens, pour 4,6 milliards de dollars. On estime que l’opération s’est faite sur la base d’un prix par baril de 90$, indicateur de la prime que l’Empire du Milieu est prêt à payer pour sécuriser ses approvisionnements futurs.

Dans ce contexte, notre stratégie n’a pas évolué, et nos investissements restent focalisés sur les sociétés qui bénéficieront de cette tendance structurelle au renchérissement des prix du pétrole. Ainsi les sociétés de service, dont l’importance dans le secteur pétrolier est croissante compte tenu de la complexification des techniques d’extraction des réserves, constituent structurellement une part importante du portefeuille. Du côté des producteurs, nous nous concentrons sur les sociétés produisant du pétrole – et évitons donc soigneusement les sociétés gazières – en privilégiant les sociétés disposant de réserves dans des pays politiquement stables. Par ailleurs nous fuyons les sociétés dont une part importante des capitaux employés est liée aux activités aval, comme le raffinage ou la pétrochimie, dont les fondamentaux souffrent terriblement du pétrole cher. Tous ces facteurs vont à l’encontre d’un investissement dans des majors dont les noms sont bien connus du public.

Nous avons suivi avec attention les plans stratégiques des majors présentés en ce début d’année. Elles affichent toutes des prévisions d’augmentation significative de leur production, ce qui, en première lecture, pourrait totalement remettre en cause l’hypothèse du Peak Oil. Ainsi, Exxon parle d’une croissance de 2 à 3% par an de 2009 à 2013, Shell de 3,5% jusqu’en 2012, Chevron de 1% par an jusqu’en 2014, puis même de 3 à 4% jusqu’en 2017 ( !) et Total de 2% jusqu’en 2014. C’est à se demander si nous ne devrions pas plutôt fermer ce fonds et vous conseiller de placer votre argent sur d’autres supports !

La réalité est bien différente, et l’examen détaillé des perspectives des majors renforce nos inquiétudes sur la l’offre en pétrole pour les années à venir. Laissons de côté que la production des majors a systématiquement déçu au cours des dernières années et admettons que ces sociétés atteignent leurs objectifs. Une information capitale dans la compréhension du problème est que le monde pétrolier publie les chiffres de production en termes d’équivalent énergétique baril. En effet, les sociétés pétrolières ne produisent pas que du pétrole, mais aussi beaucoup de gaz, et utilisent cette façon commode de publier leurs chiffres de production, mélangeant les deux comme s’il s’agissait de produits substituables. Ce qui n’est absolument pas le cas d’un point de vue économique ! Ainsi, alors qu’un baril de pétrole est vendu 80$, un baril équivalent de gaz est vendu moins de 30$ en Amérique du Nord. Dans le passé, cette relation avait un certain sens, car gaz et pétrole avaient des applications communes et pouvaient se substituer l’un à l’autre, quand on produisait de l’électricité à partir de pétrole, par exemple. Aujourd’hui, cette possibilité a quasiment disparu. Le pétrole, majoritairement utilisé dans le transport, n’a pas vraiment de concurrent sérieux à ce jour, même si le monde travaille à l’élaboration de solutions alternatives. Le gaz est principalement utilisé dans la génération d’électricité. Conséquence, les prix des deux produits ont fortement divergé, conséquence de la rareté du pétrole, et de l’abondance de gaz. Mais revenons aux majors et à leurs plans de production. En réalité, même si toutes ne publient pas ce détail, l’essentiel, voire la totalité de la hausse de leur production vient du gaz, et pas du pétrole. Ainsi Chevron, qui table sur une augmentation globale de 17% entre 2010 et 2017, verra la part de gaz passer de 31% à 41% de sa production totale ! Ce qui signifie, que le groupe ne prévoit pas d’augmentation de sa production de pétrole sur les sept prochaines années. Sans plus de détails, Exxon ou encore Total ont également fait part de l’importance de leurs projets gaziers dans leur croissance future. Il ne devrait pas en être différemment pour Royal Dutch Shell, également victime de la crise des majors, dont les découvertes d’exploration se font de moins en moins dans le pétrole, et de plus en plus dans le gaz, comme le montre ce graphique, repris de leur présentation stratégique.

Même si le débat reste ouvert, nous ne blâmons pas ici les majors, dont la taille importante est confrontée tout simplement à la contrainte géologique. Le déclin des champs géants qu’elles ont découverts dans les années 70 et 80 doit être compensé par la production de réservoirs qui s’avèrent être de plus en plus petits, et insuffisants en nombre pour leur permettre d’augmenter leur production. Cependant, nombre d’opportunités existent pour des sociétés de plus petite taille, qui, malgré les difficultés du secteur dans son ensemble, parviennent à augmenter leurs réserves et leur production. C’est vers celles-ci que votre fonds oriente ses choix. A 80$ par baril, nous trouvons beaucoup d’idées très intéressantes. »