S’il existe une économie réelle, c’est qu’à l’opposé, il existe une économie virtuelle.

DgMonnaie

Photo : FamZoo Staff / CC BY-SA 2.0


Un truc qu’on ne voit pas, mais qui est bien présent partout !
Une glue qui s’infiltre partout et, pire, qui dirigerait secrètement notre monde !?
En quelque sorte un complot organisé par des forces obscures qui règnent sans partage.
Si à ce stade de la lecture vous ne faîtes pas encore de cauchemars, c’est que vous faites partie de ces envahisseurs de la finance !?

Je vous rassure : soit vous en faîtes partie (même sans le savoir) ; soit il n’y a rien de virtuel dans le monde de l’argent.
En fait, c’est une question de discours et tout au plus de la façon de présenter les choses.

L’argent ne crée pas d’argent ex nihilo.
Le capital doit être investi quelque part pour voir sa valeur évoluer et ainsi laisser espérer des plus-values à l’investisseur ou un rendement à l’épargnant.
Sans ça, rien ne se passe. Et personne ne vous donnera un gain à partir de rien.
Alors certes, le chemin pour y parvenir peu être tortueux, surtout pour le profane !
Mais ce n’est que le chemin.
La conséquence de placer son argent, même sur les produits financiers les plus tordus, sera toujours de financer quelque chose de bien réel.

Même en achetant des « subprimes » ou autres « titrisations » en 2007, les loups de la Finance participaient au financement des biens immobiliers des américains les plus modestes.
Ces derniers ont acquis leur logement grâce à notre argent qui, déposé dans nos banques, finissait en partie par être prêté aux moins solvables des postulants à la propriété américaine, et ainsi entretenait la spéculation immobilière de l’époque.

Même en achetant des produits financiers dérivés, on participe au financement du sous-jacent.
Je traduis : certains produits tels que les options, futures, warrants… permettent des gains rapides et conséquents, du genre doubler son capital en une heure (ou tout perdre si cela ne se passe pas comme espéré).
Mais cet argent gagné ne sort pas du chapeau du magicien.
Il a bien fallut que quelqu’un achète des multiples du sous-jacent pour créer la plus-value, c’est à dire que le monteur du produit financier en question a emprunté à un autre acteur, par exemple, 100 fois la somme placée par l’investisseur, pour acheter le sous-jacent, c’est à dire un bien économique réel.

Même en utilisant des ordinateurs qui tradent automatiquement et à très haute fréquence sur les marchés, l’argent va bien de l’investisseur réel vers un actif financier réel… même s’il fait 10 000 aller retour dans la seconde !

Même l’argent sale, celui de la drogue ou d’autres trafics travaille dans une économie bien réelle, celle du commerce de biens et services illégaux. Ce secteur économique n’est pas virtuel, il est juste illégal.
Jusqu’à preuve du contraire, les fumeurs de joints achètent bien leur résine avec leur salaire, et les dealers achètent bien des cabriolets allemands avec leurs profits.

Même si les indices des bourses montent alors qu’on s’enfonce dans la crise, il y a des explications très rationnelle à cela. La première étant que les marchés ne sont que le reflet des anticipations des investisseurs. Et les investisseurs dans leur ensemble pensant que ça ira mieux demain, préfèrent investir dès à présent.

Même s’il existe des tas de produits financiers conçus par des mathématiciens qu’eux seuls sont capables de comprendre, cela ne signifie en rien que ces derniers ont trouvé la martingale !

Même si Jérôme Cahuzac fraude le fisc, cela n’a rien de virtuel. La banque UBS a bien investi son argent, même depuis Singapour, et la sanction qu’il encourt est aussi tout à fait réelle !

Ainsi, en effet, il y a des choses bien mystérieuses dans le monde de la finance et le simple fait d’investir est déjà une énigme pour beaucoup de gens.
Mais de là à nous faire croire que tout cela est virtuel et ne recouvre aucune réalité économique, c’est un peu fort.
… À moins d’y trouver un avantage personnel !?

Je vois 3 catégories de gens dans ce cas qui pourraient y avoir intérêt :

Les quelques malthusiens qui ont compris que les intérêts composés sont le plus formidable accélérateur d’écarts sociaux, ce qui permettra aux descendants des plus riches de survivre dans un monde trop petit pour subvenir aux besoins d’une population humaine toujours croissante !
Ainsi, ils ont intérêt à garder le plus grand monde possible dans l’ignorance des affaires financières et à entretenir l’idée que l’argent est une chose diabolique !
Aux innocents les mains pleines, n’est-ce pas ?!

Nos banquiers, qui pour redorer leur blason, nagent dans le sens du courant, en nous jurant à longueur de spots publicitaires qu’ils ne vont financer que nos écoles et nos hôpitaux, tout en se tenant bien à l’écart des marchés !?
Pour ma part, je me demande comment ils manipulent tout cet argent sans se référer à la loi de l’offre et de la demande ?
Plus c’est gros, plus on y croit, n’est-ce pas ?

Enfin, les derniers à entretenir l’idée que la finance, c’est mal, ce sont nos dirigeants politiques.
Ça a commencé avec N. Sarkozy qui a trouvé dans la finance et son corollaire, la crise financière, un bouc émissaire pour justifier le triste bilan de son quinquennat.
Dans le fond, il n’avait sûrement pas tord, mais par cet argument, il a porté le flanc à la critique.
Et F. Hollande en a bien profité le 22 janvier 2012, avec son fameux : « Mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance ».

Ainsi en ce moment, beaucoup de gens abusent de l’expression : « Financer l’économie réelle ».
Ce ne serait pas si grave si les enjeux étaient faibles et si les conséquences n’étaient pas aussi fallacieuses.

En effet, dresser les citoyens contre le monde de l’argent, les maintenir dans l’ignorance en leur faisant croire que la finance est un monstre à trois tête qu’il faut mater, ne participe pas à l’enrichissement de leur patrimoine intellectuel et financier.
Aujourd’hui, nos dirigeants ont réussi à rogner le peu de lien qui existaient entre les français et leur finance personnelle.
On dit bien « diviser pour mieux régner », désormais, on pourra aussi dire « dés-éduquer pour mieux se faire élire ».

Au résultat, les anglo-saxons, beaucoup moins ignares que nous sur le sujet, sont en train de racheter à bas prix les actions françaises et donc les entreprises françaises, pendant que les français courent encore après la relative sécurité du Livret A ou des fonds en euros.

Et faute de savoir un minimum comment la finance fonctionne et à quoi ça sert, nous transférons nos responsabilités et notre pouvoir de décision à nos amis banquiers qu’on pensait combattre en élisant F. Hollande !
Ainsi, nous les détestons toujours plus, parce qu’ils se payent grassement au passage (de notre argent entre leurs mains) et parce que notre économies ne finance pas ce qu’on aurait aimé qu’il le soit.

Tant que la propriété privée existera et que nous échangerons des biens et des services entre nous, nous donnerons une valeur à chaque chose et nous prendrons part au jeu de l’offre et de la demande. Ainsi, le monde est par essence un grand marché et tenter de nous y soustraire est vain et surtout très préjudiciable. Cela nous maintient dans une certaine pauvreté et cela nous fait élire des gens qui, faute de détenir le réel pouvoir, celui du capital, ne peuvent tenir leurs promesses électorales.

Combattre sa finance, c’est aussi s’opposer à sa propre économie.
Sauf à croire qu’il n’y a aucun lien entre les deux.