Ce qui a changé entre la crise de 2010/2011 et celle de 2015, c’est la nature du risque.
En 2010/2011, on avait peur que le défaut de paiement de la Grèce fasse flamber les taux des obligations d’État des autres pays de la Zone euro qui étaient aussi en position délicate (l’Italie, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande).

C’était un problème purement purement financier qui a été résolu par des décisions politiques (rachat de la dette par le FESF et décote de sa valeur).

Cependant, comme toujours en pareil cas, la difficulté financière s’est rapidement propagée à la société et donc a impacté les citoyens de ces pays, avec comme conséquences : explosion du chômage, déflation salariale, précarisation, recul des prestations sociales…

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Photo : Nemo / CC0 1.0

On est passé d’un problème financier à un problème social.

Et aujourd’hui, la boucle est en train de se refermer, le problème revenant dans la sphère financière et surtout politique.

Après 4 ans d’austérité pour juguler leur dette, les grecs sont prêts à tout pour en sortir.

Vivant dans une démocratie, ils en ont profité pour exprimer ce raz-le-bol au travers des urnes, le 25 janvier dernier.

Ainsi, le parti d’extrême gauche, Syriza, en est sorti vainqueur, sur la base de la promesse de renégocier la dette.

En 2015, alléger le fardeau de la dette grecque n’est pas tant une question d’argent car, l’Europe a mis largement en place les dispositifs pour absorber la vague d’un défaut de paiement grec.
C’est juste une question de principe et d’exemple pour les autres pays endettés, en particulier ceux qui vivent une austérité comparable (toujours l’Italie, l’Espagne, le Portugal et dans une moindre mesure, l’Irlande).

Si les grecs peuvent renégocier leur dette et mettre fin à l’austérité subie par les urnes, il n’y a pas de raison que les citoyens des autres États dans la même situation ne fassent pas de même.

Podemos, le parti d’extrême gauche espagnol attend son heure, aux élections régionales, le 24 mai prochain et surtout aux législatives de novembre prochains.

Au Portugal, même si ce genre de parti n’a pas encore les faveurs des électeurs, il pourrait grimper dans les sondages d’ici les législatives se tiendront le 20 septembre prochain.

En Italie, les élections régionales partielles en mars, puis communales en mai, ne porteront pas à conséquence.
Les prochaines législatives ne sont prévues qu’en 2018. Néanmoins la politique italienne réserve toujours des surprises et il est rare que les élections nationales ne soient pas anticipées.

Et au-delà du risque de voir des pays importants, comme l’Espagne ou l’Italie, se déclarer en cessation de paiement, il y a aussi le risque de voir les citoyens d’Europe du nord apporter une réponse de même nature, aux largesses qui pourraient être accordées à la Grèce, en portant au pouvoir des dirigeants euro-septiques.

En 2015, l’Europe du nord sera aussi riche en élections et les candidats ne manqueront pas d’afficher une position ferme face à la Grèce.

Ainsi en quatre ans, nous sommes passés d’un problème financier qui n’intéressait pratiquement que des technocrates de la finance à un problème politique, social et humain qui interpelle désormais tout le monde… En âge de voter.

À l’époque, il était malgré tout aisé de négocier à huis clos, entre dirigeants et banquiers soucieux de conserver la monnaie unique et la stabilité du système.

Aujourd’hui, il s’agit de permettre à Syriza de réaliser ses ambitieuses promesses électorales, sans pour autant inciter les électeurs des autres pays européens à suivre le même exemple et à porter au pouvoir des dirigeants menaçant de cession de paiement et de sortie de la Zone euro, voir de l’Union européenne (Référendum au Royaume-Uni envisagé pour 2017).

L’équation sera difficile à résoudre.
Et elle ne sera pas résolue par des technocrates comme en 2011, mais par des élus qui tenteront autant que possible de réaliser leurs promesses.

Ceux qui pensent que la crise grecque refait surface s’égarent.
La crise grecque de 2015 n’a plus grand-chose à voir avec celle de 2011.
Ce coup-ci, ce sont des électeurs qui ont le pouvoir d’y mettre fin.
Enfin, le pensent-ils !

Personnellement, je ne crois pas que l’irréparable sera commis en 2015.
Cependant, cette année s’annonce bien houleuse.
Et les marchés tout comme l’économie resteront sous pression, malgré le QE Européen enfin lancé le 22 janvier dernier.
… Trois jours avant les élections grecques. Ouf !